samedi 30 octobre 2010

Les pieds dans l'Olvig 12 - "Vénus Noire" d'Abdellatif Kechiche

A l'issue de cette semaine un peu grise pour moi, petite séance de ciné pas chère. En effet, chaque mois, un cinéma de ma jolie ville de Reims (le cinéma Opéra pour ne pas le citer) offre un "Coup de Zoom" et donne la possibilité aux spectateurs de voir toute la journée le film sélectionné par le soin de la salle pour seulement 3€... C'est pas de la pub mais bon ! Quand même ! Je trouve ça culotté de la part d'une salle d'Art et Essai aujourd'hui ! Donc notons le !

Et, comme le titre de l'article l'indique, la sélection du mois c'est Vénus Noire, le nouveau film de l'auteur du surprenant L'Esquive (où les jeunes d'une citée classée ZEP découvrait Marivaux et le marivaudage, dans le texte et dans les faits) et de l'admirable La Graine et le mulet (aventure picaresque d'un quinquagénaire maghrébin qui souhaite réaliser son rêve, ouvrir un restaurant oriental sur un bateau, sur le vieux port de Marseille), je parle de Monsieur Adbellatif Kechiche.

Vénus Noire aborde l'histoire vraie de Saartjie "Sarah" Baartman, jeune femme sud-africaine, exposée à la Foire aux Curiosités du Londres du début de XIXème siècle puis devenue sujet d'observation pour le Musée d'Histoire Naturelle de Paris, puis "actrice" dramatiquement assujettie aux bons vouloir de ses maîtres pour finir prostituée désenchantée d'un bordel cosmopolite...
Une histoire pas franchement drôle s'il en est... Dit comme ça, ça ressemble à un mélodrame historique tout bien rédigé comme il faut pour faire chougner dans les chaumières... Et puis finalement pas ! Alors bien sûr qu'on va voir du dur, du psychologiquement violent, du joliment larmoyant mais on voit aussi du bigarré, du vrai spectacle vivant, du profondément sincère. L'histoire est forcément poignante mais là où beaucoup aurait fait de l'usine à fluide lacrymal, Kechiche choisit de faire du fort. Là où certains auraient fait jouer ses comédiens, Kechiche leur permet de chercher leur vérité. Là où des pontes du cinoche se seraient empressé de tremper dans un classicisme froid, Kechiche saute à pieds joints dans une certaine modernité de fond et de forme. Là où les ayatollah du film se la seraient joué prude, Kechiche n'hésite pas, fonce et montre ce qui doit être montrer.
Des décors et des costumes éblouissants. Une lumière véridiquement crade, artistiquement moche... un choix intelligent d'éclairage entre réalisme et artifice. Un parti pris de la caméra à l'épaule utilisé tout au long du film et non pas épisodiquement. Les dialogues qui se refusent surécrits, qui se veulent sincères. Le jeu des comédiens est bluffant, jamais ostentatoire, juste juste. De la musique directe qui n'est pas là pour parler à la place des comédiens.
Kechiche, c'est purement et simplement un cinéaste. Un de ces raconteurs d'histoires qui ont de la suite dans les idées, qui s'impliquent complètement dans chacune de leur oeuvre. Un type qui se pointe devant toi, qui te dit qu'il a un truc à te raconter, qui te le raconte du fond du coeur et qui te laisse là, à poil, avec ton âme.
Alors on adhère ou on adhère pas. Avec moi, ça a l'effet d'une mélasse indissoluble, je m'y vautre avec une délectation non dissimulée. Une mouette dans une plaque de mazoute qui ferait plaisir.


P.S.: M'sieur Kechiche, je sais qu'il vous arrive parfois de faire jouer des acteurs non professionnels... Perso, j'connais un mec, une brande baraque de pas encore trente ans, qui se prétend un peu dans la comédie, il se fait appeler Olvig, il kifferait grave de tenir la porte à n'importe quel acteur dans n'importe quelle scène de l'un de vos prochains films.

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