samedi 4 février 2012

L'Arbre aux mains d'or (Nouvelle en épisode)

Aujourd'hui, j'ai envie de me lancer dans un bon vieux recyclage ! Faute de pouvoir vous parler de ce que je produis en ce moment parce que je tiens à garder ça pour ma trogne, je vais publier des nouvelles, conservées jusqu'à lors dans des tiroirs informatiques, en épisodes, accompagnées de leur version audio... Ca me permettra de tester des choses pour un futur projet que je suis en train d'élaborer (un parmi tant d'autres)... Pour se faire, voici une nouvelle que j'ai écrite il y a environ sept ans mais que j'ai décidé de retravailler afin que celle-ci s'accorde mieux avec l'idée que j'en ai aujourd'hui... C'est une nouvelle en deux chapitres qui eux-mêmes seront découpés en plusieurs parties, de façon à rendre ce travail un rien intéressant... Je vous laisse découvrir l'Univers de l'Arbre aux mains d'or... Sur un fond de Chopin, s'il vous plaît...



L'Arbre aux mains d'or




Aujourd'hui, il pleut. Des grosses gouttes d'eau qui tombent d'un ciel gris clair et qui laissent leur parfum habituel. Il pleut comme j'ai toujours vu pleuvoir.
Tant mieux !
Tonton sera content. Maintenant qu'il est enfermé pour longtemps, les jours de pluie, il s'en fiche pas mal. C'est les jours où il fera beau qu'il va regretter. Lui qui aime l'odeur de la chaleur, les ondes du vent doux sur sa peau, le goût des rayons du soleil et celui du miel d'acacia ; tout ça, ça va lui manquer pendant les beaux jours d'automne et les suivants.
Mon tonton, c'est comme une plante verte. C'est un arbre : le soleil le fait vivre mieux. Alors, pensez bien : obligé de rester entre quatre murs, sans lumière, "à l'ombre" comme a dit Papa, Tonton va pas vraiment apprécier. Je me souviens que certains jours d'été, je le regardais étendre ses bras en grand, comme le ferait un oiseau avant de s'envoler de la plus haute branche du plus grand arbre de la forêt de la Montagne de Reims – c'est la seule que je connais. Il écartait les plumes de ses doigts et avalait par sa peau tout ce que la grosse étoile du jour voulait bien lui offrir. Je le trouvais beau. Surtout quand le mois de septembre arrivait. Comme un arbre, il s'habillait de couleurs jaune, rouge et brune. Comme tous les arbres, c'était en automne que mon tonton était le plus beau, le phénix des bois, le monument aux vivants construit en l'honneur de la nature. Je l'admirais. Pour son amitié avec la terre, pour sa façon de vivre, pour tout ce qu'il faisait pour me montrer qu'il m'aimait.

Tonton, c'est quelqu'un de magique, pour plein de raisons. D'abord, Tonton, il parle pas comme tout le monde, il ne fait pas de bruits avec sa bouche. Quand il en fait, ça n'a pas beaucoup de sens. Non, lui, il parle avec ses mains. Y a plein de gens, quand ils parlent, ils agitent leurs bras, leurs mains pour expliquer sans le vouloir s'il sont contents ou en colère ou tristes ; Tonton, lui, il fait des phrases entières avec les mains et le visage.
Depuis que je suis né, il m'a toujours parlé avec ce code étrange. Au début, je le comprenais pas, je le trouvais drôle... Puis, plus j'ai grandi, plus j'ai compris ces trucs bizarres des mains. Papa, le frère de Tonton, dit que s'il parle comme ça, c'est parce qu'il est sourd. Ça veut dire qu'il entend rien, ou un tout petit tout petit peu. En fait, il entend un peu seulement quand il s'accroche ses drôles de boucles d'oreilles. Il appelle ça des "appareils auditifs". Il me les a fait essayé un jour : c'est bizarre ; ça fait beaucoup de bruit qu'on arrive pas vraiment à reconnaître. Là-dedans, c'est un fatras pire que dans ma chambre après que j'ai joué à la guerre quand y a Théo et Lucas qui viennent, les mercredi après-midi. Dans ses oreilles à Tonton, ça fait pareil mais moins fort puisqu'il entend pas beaucoup. Du coup, il aime pas les mettre. Il les met que quand il pense qu'il y est obligé. Quand il vient me voir, là, c'est pas utile, comme avec Papa, Papi, Mamie et un peu Maman. On comprend quand il bouge ses mains en faisant des grimaces qui en sont pas et, lui, il comprend ce qu'on lui dit quand on lui parle bien en face. Il arrive à deviner ce qu'on lui raconte rien qu'en regardant nos bouches. Pour ça, d'ailleurs, il est vachement fort. J'ai essayé, une fois, de comprendre ce que Maman me disait en me bouchant les oreilles avec du coton hydrophile et en me les cachant. Juste en regardant sa tête et sa bouche. Elle avait l'air pas content, ce jour-là, mais j'ai fait de mon mieux pour lire sur ses lèvres. Et bien, vous me croirez, vous me croirez pas, c'est vachement compliqué. J'ai rien compris. Le seul truc, c'est quand j'ai retiré les cotons, elle me disait que j'étais interdit de télé pendant trois jours. J'ai jamais su pourquoi.

Tonton, son nom, c'est Arbre. Bon ! C'est pas le nom qu'il y a d'écrit sur sa carte d'identité mais c'est comme ça qu'on l'appelle en langue des signes. Les symboles bizarres des mains ! Dans cette langue, on n'appelle pas les gens par leur vrai nom. Les sourds, ceux qu'habitent dans le même monde magique que Tonton, ils préfèrent s'appeler par quelque chose qui les représentent mieux. Son nom en lettres, à Tonton, c'est Olivier Darbois. Ça forge une identité, un nom comme ça ! En plus, il est très grand, comme un chêne, un frêne ou un hêtre. Il est très grand et très costaud. Quand quelqu'un veut l'embêter en essayant de le bousculer, le quelqu'un n'y arrivera jamais. Tonton est toujours bien stable sur ses grands pieds larges. Il est comme planté avec des racines dans le sol.
Ensuite, dans son travail et dans sa vie, il y a plein de choses qui tournent autour du symbole de l'arbre. D'abord, la plupart du temps, il est pébigné... pipini... heu ! ... pépiniériste. C'est un truc pas facile à dire mais c'est simple à expliquer : il fait naître et pousser des arbres puis il les vend. C'est une sorte de père pour plantes. Comme n'importe quel papa, il dépose des petites graines dans le ventre de la mère-terre, il les nourrit, il leur parle, il s'en occupe avec beaucoup d'amour... Il m'a déjà montré la grande chambre où se reposent et vivent les enfants-arbres. Tonton est vraiment super fort parce qu'il en a des centaines de petits, de toutes les formes et de toutes les sortes. C'est impressionnant. Ça en fait des cousins, je vous dis que ça. En tout cas, il est plus fort que mon père, parce que lui, il est juste arrivé à me faire pousser moi.
(...)

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